Un petit titre volontairement un brin provocateur, voilà ce qu’il fallait pour ma petite pensée du jour au sujet de l’iPhone 6. Celui-ci, annoncé il y a quelques jours, me permet de constater à nouveau le clivage qu’il occasionne.
Depuis quelques jours, la machine est relancée : le grand public peut, à mon sens, être classé en quelques grandes familles :
- Les fans du produit (je ne crois plus, au passage, qu’il s’agisse encore forcément des fans de la marque) qui se demandent comment ils vont financer leur iPhone 6, quelle version ils vont prendre, etc.
- Les haters. Allez, ouvrons cette case pour ne pas en faire un cliché : il s’agit soit de ceux qui sont choqués du prix, du fait de proposer un écran plus grand alors que les concurrents le faisaient avant, et de ceux qui vont avoir tendance à déconseiller à leurs proches l’achat d’un iPhone 6 et recommander à la place un téléphone Android.
- Ceux qui s’en foutent. Une bonne partie de la population mondiale n’en a sans doute que faire et a d’autres préoccupations que de réfléchir à la question du meilleur smartphone. Reconnaissons-le si vous lisez cet article vous aurez tendance à vous retrouver dans les deux premières familles mais cette troisième famille va tous nous faire réfléchir.
Mais que peut-on objectivement en penser ? Comme répondre à chacune des ses familles de manière dépassionnée ?
Pour tenter d’y répondre, je voudrais citer un épisode de Scepticisme scientifique, le podcast de Jean-Michel Abrassart où est citée une étude sur les Stradivarius, ces instruments de légende, tant prisés des amoureux des violons. Il en ressort que, contrairement à ce que nombreuses personnes prétendent, les Stradivarius ne sont objectivement pas forcément les meilleurs violons au monde. Ils sont, certes, très bons, mais leurs prix exorbitants ne sont pas justifiés par la qualité du son restitué. Il est intéressant de noter toutefois que les Stradivarius, de par leur légende, semblent influer sensiblement sur le soin apporté par un violoniste lorsqu’il joue avec ces instruments mythiques.
Vous l’aurez compris : je compare un peu les iPhone (et à plus forte raison les iPhone 6) aux autres smartphones comme je comparerais les Stradivarius aux autres violons :
- Ce sont des appareils de grande qualité. Ils ne sont en aucun cas les meilleurs appareils mais on les achètera avec la confiance du gage de qualité de la marque ;
- Leur prix est plus élevé que les appareils proposés par les autres constructeurs. On le sait, après l’annonce de chaque nouvel appareil, on apprend quelques semaines leur coût de fabrication, qui ne dépasse jamais le tiers du prix de vente. Pour autant, le prix peut aussi se justifier, au-delà des coûts de construction, par, notamment, les frais de fonctionnement de l’entreprise (marketing, publicité, distribution, service après-vente, etc.) ;
- Ils valorisent leur propriétaire. Posséder un iPhone, c’est comme posséder un Stradivarius : on accède à une élite, une certaine exception. On peut alors considérer l’achat d’un iPhone à l’achat d’un produit de la concurrence (la même comparaison est possible avec l’Apple Watch et ses concurrentes) comme l’achat d’un produit de luxe.
Vraisemblablement, dans un secteur concurrentiel élevé (comme l’automobile ou le transport aérien), il peut être une excellente idée de proposer des produits haut de gamme. On le sait, le luxe souffre moins de la crise que les autres segments commerciaux et apporte aussi bien plus de marge. A noter d’ailleurs que c’était bien le positionnement d’Apple depuis toujours, que nous avons oublié pour plusieurs raisons :
- L’iPad avait marqué les esprits avec un tarif inférieur à celui auquel s’attendait le grand public. Lors de son annonce par Steve Jobs, le 27 janvier 2010, tous les commentateurs soulignaient le tarif attractif, plus bas que ce que tout le monde avait imaginé. On s’était alors surpris à dire « Tiens, Apple fait des produits plutôt abordables« . L’erreur de départ était que l’on comparait l’iPad à un ordinateur, bien qu’il s’agissait d’un appareil différent, avec un coût de production bien inférieur.
- De plus, avec la commercialisation des différents modèles d’iPhone, nous sommes tombés dans le piège des téléphones subventionnés. On ne se rend pas souvent compte du prix d’un téléphone car une partie de son prix est payée à travers le forfait que l’on rembourse tous les mois auprès d’un opérateur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’achète toujours mes smartphones nus plutôt que par subvention, qui sont pour moi des crédits déguisés.
- Dernier point : nous relevons d’autant mieux le prix élevé de l’iPhone 6 car il s’inscrit dans un marché ou le prix moyen des produits « haut de gamme » a fortement baissé (suivez mon regard : Nexus, OnePlus One, ou encore Moto X).
Mais au fond, Apple a toujours fait du haut de gamme, en le vendant cher. Apple a toujours fait du luxe. Doit-on pour autant critiquer le luxe ? Clairement, je ne le crois pas. Si certaines personnes peuvent se faire plaisir en achetant un iPhone, j’en suis ravi. Ce n’est pas plus idiot que d’acheter un Stradivarius, une Mercedes, un sac ou un bijou Hermès, des meubles Steiner, ou des vêtements de grande griffe. Ce capital plaisir est important, ne le nions pas, et il ne faudrait pas transformer une incompréhension sur ce type d’achat en une critique à charge du produit ou de ses consommateurs. Le filtre de réflexion ne me semblerait pas approprié.
De plus, et c’est un phénomène connu, payer un produit cher (volontairement, cela va de soi) quelles qu’en soient les raisons, amène souvent a justifier inconsciemment son acte d’achat. Quelques exemples : trouver que l’autonomie est meilleure sur un iPhone sur sur des produits concurrents équivalents sur le plan matériel et à usage égal, trouver que le même objectif que l’on retrouve sur d’autres appareils prend de meilleures photos sur l’iPhone, ou encore, que le produit va plus vite… Autant de biais cognitifs impossibles à vérifier dans le cadre des usages réels au quotidien, que ceux qui achètent un produit de luxe devraient malgré tout garder à l’esprit.
Pour terminer, je voudrais revenir sur une critique qu’émettent souvent les détracteurs de l’iPhone : celle qui vise à dire que les acheteurs sont des pigeons car ils achètent un produit avec des fonctionnalités dites « nouvelles » mais qui sont déjà présentes sur le marché depuis des mois, voire des années, chez la concurrence (taille de l’écran, NFC, claviers alternatifs, etc.). Ces détracteurs semblent découvrir le fait qu’en effet, Apple n’intègre des technologies que lorsqu’elles sont mûres pour être acceptées du plus grand nombre. C’est d’ailleurs l’illustration d’un des points que je mentionnais plus haut : on n’achète pas l’iPhone pour avoir le meilleur produit, mais pour avoir un produit pour lequel on n’a pas à se poser de question. En achetant un iPhone, on achète un produit de luxe, et on sait qu’on ne fait pas un mauvais choix en matière de smartphone. Sauf peut-être pour ce qui est d’un budget d’une famille qui n’a pas forcément des ressources financières qui le permettent…
En conclusion, je voudrais donner mon sentiment personnel : l’iPhone est tentant, qui me donne envie mais pour beaucoup de choses dans ma vie, je donne de moins en moins de priorité à cette valeur que l’on peut assimiler au « plaisir des possessions ». Je tends, notamment depuis un an à purifier un peu mon quotidien, en cherchant de moins en moins à posséder, et de plus en plus à donner du sens, notamment dans mes usages de la tech. Aujourd’hui, mon OnePlus One et Android répondent beaucoup mieux à deux critères : d’une part mes besoins fonctionnels et d’une autre part, l’investissement que je souhaite ou peux y mettre.
J’espère que ce billet n’aura en aucun cas créé le moindre sentiment de troll. J’ai essayé de formaliser des pensées constructives. J’espère vivement que vous pourrez m’apporter vos remarques en commentaires de ce billet.
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